Pierre Morsa

ce bon vieux blog

Réflexions de comptoir

Le retour des vautours autour de Google News

Cet article d’Ars Technica donne le tournis. Le gouvernement français a donc décidé d’obliger Google à publier à nouveau les extraits d’articles des journaux français (j’ignore si cela s’applique uniquement à Google News ou à tous les résultats). Extraits qui, je le rappelle, étaient tellement courts qu’il fallait de toute façon aller sur le site du journal pour réellement lire l’article.

Mais ce n’est pas ça le plus délirant. Ils ont également décidé d’obliger Google à payer pour le faire… Je répète tellement c’est gros et aberrant. Google se voit obligé de fournir un service et de payer pour fournir ce service.

Je sais certains vont me dire que comme Google dispose d’une position dominante, c’est normal de les y obliger. Et je dis non, pas du tout. L’État français a longtemps bénéficié d’un monopole avec les pages jaunes. Est-ce que pour autant ils auraient payé les commerces qui en bénéficiaient ? Évidemment que non.

Il existe bien des problèmes au niveau de Google, mais pour apporter une réponse correcte à ces problèmes il faudrait deux choses :

  • Des gens compétents techniquement pour comprendre où sont les vrais dangers posés par Google (AMP, tracking, ranking des résultats parfois douteux, etc.)
  • Que le vrai but du gouvernement ne soit pas simplement de fournir une rente à vie aux grands groupes de presse, comme il l’a déjà fait avec la redevance pour la copie privée.

Malheureusement, ici, on n’a ni l’un ni l’autre. Comme pour la copie privée, l’argent ira uniquement aux grands groupes. Si j’étais Google, je ferais un geste de bonne volonté pour apaiser la situation : pour aider l’état français, je mettrais en avant, sans discrimination, les résultats des petits sites de nouvelles indépendants. Vous savez, pour éviter tout risque d’abus de position dominante de la part des gros groupes de presse… Et si j’étais l’État français, je ne me ferais pas chier à chercher une excuse. J’enverrais simplement une escouade de mecs violents en moto racketter Google et vider les caisses. Un peu moins propre sur la forme, certes, mais tellement identique sur le fond.

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Télétravailpocalypse Now partie IV : juste un doigt

Dans la partie I, nous avons abordé l’arrangement d’un bureau improvisé et que Sun Tzu ne servait pas à grand-chose en confinement. Dans la partie II, nous avons découvert que le mindset était l’élément le plus important pour réussir en télétravail, et que Miyamoto Musashi n’était pas une flèche. Nous arrivons donc maintenant à la partie IV. Et aujourd’hui, nous aborder un sujet essentiel, un sujet qui fâche : l’effet juste un doigt.

Souvenez-vous. C’était en mars 1994, 3 ans après la première guerre du Golfe. Le monde se remettait difficilement de toute cette violence. Vous pensiez que le pire était derrière vous, que désormais rien de pire ne pouvait arriver. Et c’est à ce moment que le film le plus terrifiant de l’histoire de l’humanité fut révélé. La cité de la peur. Rien qu’à y repenser, vous avez encore des frissons et vous pleurez encore de rire en cachette.

Pourquoi évoquer ces souvenirs pénibles ? Parce que c’est nécessaire. La scène qui nous intéresse est celle où Patrick propose un whisky à Odile. Elle répond « oui, juste un doigt ». Et Patrick lui demande « vous ne voulez pas un whisky d’abord ? » Dramatique. Terrifiant. Cette scène résume à elle seule toute l’horreur du télétravail : le risque de catastrophe en cas de mauvaise communication.

Sans communication claire, tout peut partir en vrille à chaque instant. Chaque email peut déclencher un conflit politique à côté duquel la guerre froide aurait l’air d’une partie de morpion. Malgré l’utilisation de Slack, vous avez l’impression que vos collègues sont perdus quelque part dans la jungle sans moyen de vous contacter. Le control freak frustré du coin passe son temps à vous harceler toutes les cinq minutes pour s’assurer que vous travaillez bien sur son dossier. Votre tentative de blague pour détendre l’atmosphère ne fait qu’empirer les choses.

C’est comme dans les mauvais films comiques (attention, je ne dis pas que la cité de la peur est un mauvais film, je ne dis pas non plus que c’est un film comique). Vous dites un truc que vous croyez être clair, mais que votre interlocuteur comprend tout de travers. C’est l’incompréhension. Peu à peu, chacun se forge la certitude que l’autre est un con, alors qu’on sait tous que c’est l’autre le con, pas nous évidemment. Communiquer en télétravail comme on communique en situation normale ne marche pas.

Alors, que faire ? Si vous avez un document à produire, informez vos collègues de l’avancement régulièrement. Il vaut mieux informer trop souvent que trop peu. Pour les control freaks, détendez-vous. Si vous avez donné un résultat à atteindre clair avec une date, il suffit de faire un point de temps en temps, mais pas trop souvent, pour s’assurer que ça avance. Pour les susceptibles, pareil, détendez-vous, ne prenez pas les choses de manière littérale, pas besoin de se vexer pour la moindre phrase qui vous déplaît. Privilégiez aussi la communication asynchrone ; comme tout le monde n’a pas le même rythme, il est plus efficace d’utiliser des outils comme Slack que de vouloir bloquer tout le monde dans des réunions interminables en visio ou par téléphone. Finalement, bien communiquer en télétravail, ce n’est pas si difficile.

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Vivre avec le virus

J’interromps ma série d’articles débiles pour en écrire un sérieux. Enfin, sérieux, pas trop, parce que sinon on finit par croire tout ce qu’on écrit.

Il faut s’habituer à vivre avec le risque du virus dès maintenant. La situation actuelle ne va pas durer. La situation actuelle ne peut pas durer. C’est tout simplement impossible. Impossible de rester enfermé trop longtemps. Impossible d’éliminer le virus. Impossible d’avoir des centaines de millions de chômeurs en plus. Tout pointe vers l’impossibilité de maintenir le confinement plus de quelques semaines.

Alors, que faire ? Se préparer activement à vivre avec le virus tant que nous n’avons pas une solution pour l’éradiquer. Augmenter notre capacité à prévenir, avec plus de masques, de tests et des gestes de prévention plus réguliers. Augmenter notre capacité à soigner. Chercher un remède et un vaccin. Et péter la gueule aux gros cons d’anti-vax.

Je sais qu’il y a beaucoup d’appels pour profiter de la situation actuelle pour revoir notre système économique. Il y a beaucoup de bonnes idées, et le système capitaliste est plein de problèmes. Mais c’est trop facile d’accuser le système, encore et toujours. Le système n’existe qu’en raison de notre propre nature, il n’est que le reflet de notre condition humaine. Si vous voulez voir comment créer une véritable tragédie sociale à coup de bonnes idées « y a qu’à faire comme ça », regardez un documentaire sur les kolkhozes soviétiques. Ou repensez aux millions de morts causés directement par le National-Socialisme. Les pires tragédies humaines sont faites de grandes et nobles idées.

Le seul acte raisonnable aujourd’hui, c’est de prendre le temps. Pas de prendre le temps pour accuser, blâmer, critiquer ou attendre une miraculeuse disparition du virus, mais pour se préparer à vivre avec le fucking virus.

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Télétravailpocalypse Now partie II : t’es un killer Berthier

Vous venez de finir la construction de votre espace de télétravail. Vous avez dû faire avec les moyens du bord, mais désormais les cannibales peuvent toujours essayer de vous attaquer, vous êtes parfaitement barricadé derrière un amas de trucs qui rendrait Robinson Crusoe pâle de jalousie. Vous avez un peu faim, vous quittez donc votre télébureau pour vous diriger vers le frigo. Mais là je dis HALTE. Vous ne vous rendez pas compte des conséquences dramatiques du geste que vous vous apprêtez à commettre. La raison pour laquelle le télétravail ne fonctionne pas pour tant de personnes, c’est qu’il faut se forger un mental en béton contre les distractions. Tout comme Berthier alias Gérard Jugnot, il vous faut devenir un killer. Un KILLER.

Pour devenir un killer, il y a un point essentiel : le mindset (prononcer maïndsaitte, c’est comme la maïzena, mais en moins farineux). Réussir en télétravail c’est avant tout avoir le bon mindset. C’est aussi le plus difficile.

Vous repensez à Sun Tzu, mais ses conseils ne vous semblent pas trop appropriés pour trouver le bon mindset en télétravail. Du coup, vous vous tournez vers un autre grand maître japonais, le dieu des samouraïs, invaincu en plus de 60 duels, Miyamoto Musashi. Son œuvre principale ? Le traité des cinq roues. Ah merde, le mec il fait des chariots à cinq roues, il n’a pas l’air d’une flèche non plus celui-là. Ce n’est pas demain la veille qu’il va bosser chez Renault-Nissan, aussi confortable que soit l’étui à musique qu’on lui propose. Et puis le problème avec la méthode Musashi, c’est qu’elle consiste à dégommer tous les mecs qu’on rencontre. Salut Miyamoto, on s’fait une réunion ? Ouais d’accord. T’as un joli sabre. Et paf, un collaborateur de moins. Aussi efficace soit-elle, cette méthode n’a pas que des avantages. Là, vous vous dites que c’est vraiment des conneries tous ces trucs de samouraïs. Comme si lire un livre sur cinq roux allait vous aider à être meilleur en télétravail. Non, il faut chercher le bon mindset ailleurs.

Ailleurs, ce n’est pas loin. C’est tellement près de vous que c’est en vous. Le mindset, ça ne sert à rien d’aller le chercher ailleurs, c’est à chacun d’entre nous de se le construire, de refuser les distractions et de s’imposer sa propre discipline. Vous ne trouverez le bon mindset nulle part ailleurs. Personne ne pourra le trouver ou le fabriquer à votre place. C’est ça la dure réalité du télétravail : seules les personnes les plus fortes réussissent à être réellement autonomes à long terme. Pour la majorité, un accompagnement adapté est indispensable. Celui-ci passe par la construction d’une communauté de travail en ligne active et animée par un groupe de personnes spécialisées. Sans cela, le télétravail engendrera irrémédiablement une perte de motivation, de cohésion et de productivité.

Suite au prochain épisode : juste un doigt.

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Télétravailpocalypse Now (partie I)

2020, jungle de Créteil, quelque part entre un Starbucks et le kebab du coin. On vient de vous parachuter du jour au lendemain en plein télétravail. Loin du bruit rassurant de la machine à café et des cris du patron, vous vous retrouvez livré à vous-même, face à l’inconnu, aux cannibales affamés et à ce putain de fil Facebook où les gens n’arrêtent pas de poster des trucs. Vous vous rappelez votre entraînement en école de survie commerce. Vous croyiez que boire des mètres de bière en soirée étudiante vous avait préparé à tout affronter. Mais là, c’est la réalité du terrain : rien, rien, rien ne vous avait préparé à affronter le télétravail. C’est la merde.

Un livre vous revient en mémoire. L’art de la guerre. Vous vous rappelez l’avoir acheté pour faire bien dans votre bibliothèque, mais vous l’aviez juste rapidement feuilleté. Vous vous souvenez vaguement d’une citation du style « pour vaincre un ennemi, il faut le battre », ou un truc du genre. Ouais, mais bon, Sun Tzu il avait le bon rôle, tout ce qu’il avait à faire c’était tuer des gens, et en plus il avait une armée pour le faire à sa place. Sun Tzu, s’il avait dû faire une réunion Skype efficace, il aurait moins fait le malin, c’est sûr. La situation semble désespérée, et vous vous mettez à pleurer après avoir repris une gorgée de café. C’est la merde.

C’est alors que vous avez un flashback. Vous repensez à Roger/Cindy (choisir selon vos préférences) en train d’imprimer un document sur la grosse Xerox du bureau. Vous ne saviez pas comment l’aborder, et là le miracle tant attendu s’était produit : un bourrage papier. Tel un de ces héros avec les costumes ridicules, votre intervention l’avait sauvé(e) in extremis d’un appel au support informatique. Le souvenir de l’odeur du toner et de la chaleur des feuilles fraîchement chauffées par l’imprimante vous redonnent le moral. Non, vous n’allez pas vous laisser faire. Vous n’avez pas le droit d’échouer. Vous allez vous battre. Vous allez MAÎTRISER CE PUTAIN DE TÉLÉTRAVAIL.

Réunissant toutes vos forces, vous vous remémorez les conseils de votre sensei. « Si de la maison travailler tu dois, un endroit approprié tu construiras. » Putain, il était trop fort ce sensei, et en même temps, il n’a jamais été foutu de parler français correctement. Mais il avait raison. La première chose à faire, lorsqu’on travaille de la maison, c’est de se faire un lieu de travail dédié. C’est évidemment plus facile lorsqu’on a une pièce à y consacrer, mais si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave ; il faut se trouver un petit coin, un bout de table, un endroit qui sera exclusivement réservé au travail. Il existe des bureaux pliants qui se rangent complètement une fois le travail terminé.

Bureau Pliant

Si vous manquez vraiment de place, le mieux est de vous fabriquer un mini-bureau dans une boîte (car vous aimez votre boîte, ha ha) que vous dépliez pour travailler puis que vous rangez lorsque vous avez fini votre journée de travail. Si vous êtes dans un environnement bruyant, utilisez un casque, même sans musique, le mieux étant dans ce cas d’utiliser un de ces casques à réduction de bruit active. L’objectif est de pouvoir créer un lieu où l’on se met automatiquement en état d’esprit « travail » et de pouvoir faire disparaître ce lieu lorsqu’on ne travaille pas pour éviter qu’il ne pollue votre vie privée. À vous de trouver la solution qui vous convient.

Suite au prochain épisode : t’es un killer Berthier.

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