Il ne se passe pas une semaine sans que l’on ne découvre dans la presse un nouveau régime qui nous promet longue vie et prospérité. Ces régimes ont toujours les mêmes caractéristiques. Ils font des promesses incroyables. Ils se basent sur des explications scientifiques assez ténues et souvent contradictoires ou prises hors contexte. Ils excluent certains groupes d’aliments qui sont vus comme les philistins de la bouffe. Et ils sont défendus par une communauté à la ferveur quasi religieuse.
Oui, certains de ces régimes font perdre du poids. Mais la réalité, c’est que ça fait des siècles qu’on connaît la solution pour être en bonne santé. Il suffit de manger et boire avec modération et faire un peu de sport régulièrement. La réalité, c’est que vivre centenaire ou plus est aussi lié à la loterie génétique et à la chance.
C’est ennuyeux. C’est même très chiant. C’est exactement le genre de truc que te dirait le schtroumpf à lunettes avant de se prendre un gros coup de marteau sur la tête. Ça ne donne pas envie. Ça ne vend pas de livres ni de produits miracles. Ça ne crée pas de système de croyances. Mais c’est la réalité.
Pour les startups, c’est pareil. On les entend parler de MVP, de pivot, de levée de fonds, des nouveaux locaux trop hype, du prochain Web Summit. Mais jamais de cash flow. Vous savez, le truc chiant, pas intéressant, qui détermine juste si tu mets la clé sous le paillasson à la fin du mois. De fait, le nombre de startups qui ne vivent que pour la prochaine levée de fonds est assez hallucinant. On croirait presque que les investisseurs à la fibre socialiste assurent un revenu garanti aux entrepreneurs.
Pourtant, les personnes qui réussissent sont celles qui regardent la réalité.
Lors de sa première vie à Apple puis à NeXT, Steve Jobs avait l’habitude de faire des promesses incroyables, mais totalement irréalistes. Son perfectionnisme le poussait à créer des produits certes fantastiques, mais invendables, car totalement décalés par rapport à la réalité du marché. Le tout premier Mac 128 était quasi inutilisable. Le NeXT Cube était beaucoup, beaucoup trop cher. Il faillit refaire la même erreur lors de son retour chez Apple avec le Mac G4 Cube, une machine géniale, emblématique, mais invendable, car ne répondant pas aux besoins des clients et beaucoup trop chère. Mais cet épisode fut également la dernière erreur de cette ampleur. Suite à cela il changea complètement son fusil d’épaule. Toutes les prévisions d’Apple devinrent conservatrices, étant systématiquement inférieures aux résultats réels. Les nouveaux produits ne furent plus de simples intuitions ou des prouesses technologiques, ils furent créés pour correspondre à la réalité du marché.
Et ce qui fait la force d’un mec comme Warren Buffett, c’est qu’il regarde la réalité. Il s’attache à séparer les faits des croyances. Il refuse de se faire aveugler par le bling-bling de sociétés comme Uber ou Tesla. Il n’aurait jamais investi dans l’Apple génial et à la mode, mais bourrée de problèmes des années 80. L’Apple d’aujourd’hui dans laquelle il a investi n’est plus une startup, c’est une grosse machine bien huilée, qui maîtrise parfaitement le cycle de renouvellement de ses produits et est capable de prédire la demande avec une précision incroyable. La stratégie de Warren Buffett est ennuyeuse à mourir. Elle ne fait pas rêver. Elle est loin du glamour des « Hedge funds ». Mais elle fonctionne.
Se baser sur la réalité, c’est ennuyeux. C’est schtroumpfàlunettique. Mais ça donne de bien meilleurs résultats.