Pierre Morsa

ce bon vieux blog

Réflexions de comptoir

Analyse du débat Macron - Le Pen

Je souhaite voir Macron gagner. Ça c’est dit. Que je le veuille ou non, ma perception du débat est donc influencée par cet élément. D’autre part, je ne souhaite pas trop m’étendre sur la prestation de Marine Le Pen. Si j’ai écrit cet article, c’est parce que j’ai envie d’apporter une analyse plus orientée sur la stratégie de communication des deux candidats.

Les objectifs des deux camps

Un débat, c’est avant tout une stratégie qui se définit en fonction de trois objectifs clés :

  • Ne pas perdre son temps à convaincre les électeurs convaincus du camp adverse. Inutile donc pour Emmanuel Macron d’essayer de convaincre les sympathisants de groupes d’extrême droite. Inutile pour Marine Le Pen d’essayer de convaincre les groupes anti-fascistes.
  • Rassurer les électeurs convaincus en les représentant dignement.
  • Convaincre les électeurs flottants. C’est de loin le point stratégique le plus important car c’est celui qui fait gagner ou perdre une élection.

Retenez bien ces éléments, car ils sont déterminants pour comprendre l’impact que peut avoir les prestations des deux candidats.

Emmanuel Macron devait surtout convaincre le plus possible d’électeurs de la gauche et droite traditionnelle, un peu perdus sans la présence de leurs partis respectifs au second tour. Il s’adressait aussi à une partie des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, mais pas à tous ; il sait que les militants d’extrême gauche ne voteront pas pour lui.

Marine Le Pen essayait surtout de convaincre les électeurs sensibles aux questions d’immigration, de sécurité et de souveraineté de la France de voter pour elle ; une partie de la droite qu’on appelle « conservatrice » donc, mais également certains électeurs de gauche déçus par le manque de soutien des plus faibles par les précédents gouvernements socialistes (typiquement les travailleurs de Whirlpool).

Sur papier, les deux stratégies se tiennent. En effet s’ils arrivent à convaincre leur cible chaque candidat peut potentiellement obtenir la majorité des voix et gagner l’élection. Car oui, Marine Le Pen peut gagner l’élection.

Les obstacles à vaincre

Chaque candidat a des forces et des faiblesses qui lui sont propres et qui peuvent les servir ou les desservir avant même que le débat ne commence.

Marine Le Pen porte un nom et un nom de parti qui assoient sa crédibilité auprès des sympathisants d’extrême droite, mais qui fait encore peur malgré l’efficace campagne de dédiabolisation menée depuis des années par les communicants du FN.

Emmanuel Macron, lui, est perçu comme ayant participé au quinquennat de François Hollande, et comme étant l’ami de « la finance ».

Pour l’anecdote, une des faiblesses de Ronald Reagan lorsqu’il s’était présenté à l’élection américaine était son âge avancé. Il avait tué tout argument contre son âge en annonçant d’emblée « Je ne ferai pas de l’âge un point de cette campagne. Je n’exploiterai pas à des fins politiques la jeunesse et l’inexpérience de mes opposants ». Ça, c’est de la communication.

Mais revenons-en à nos moutons. Enfin, à nos candidats, qui ne sont pas vraiment des agneaux.

Le débat lui-même

Le choix des stratèges de Marine Le Pen pour le débat était clair : attaquer, attaquer, attaquer pour ne pas laisser Macron développer son programme, le renvoyer au bilan du quinquennat de Hollande et le faire apparaître comme l’ami des banquiers.

À l’opposé, le camp d’Emmanuel Macron avait choisi d’attaquer le Front National sur le fond, et de mettre en lumière le manque de cohérence et de réalisme du programme du Front National, mais surtout de donner à tout prix l’image d’un homme stable et fiable, présidentiable.

Marine Le Pen a mis sa stratégie en œuvre tout de suite. Trop vite probablement, oubliant rapidement que le véritable objectif n’était pas d’attaquer Macron mais de convaincre les électeurs flottants. À l’inverse Emmanuel Macron a toujours gardé son objectif à l’esprit. Au lieu de perdre son temps à attaquer Marine Le Pen frontalement, il a ainsi utilisé son temps de parole pour développer certains points de son programme. Il a pu paraître arrogant ou compliqué pour une partie de l’électorat, mais c’était probablement la meilleure stratégie envisageable pour sa cible prioritaire, les électeurs flottants de la gauche et de la droite classiques. Encore une fois, il ne faut pas oublier qu’il n’a aucune chance de convaincre les électeurs de Jean-Luc Mélenchon réfractaires à son passé de banquier, et qu’il ne lui servait à rien de s’adresser à cette partie de l’électorat. À l’opposé, Marine Le Pen n’aura réussi à séduire que les électeurs flottants fortement réfractaires à ce qu’Emmanuel Macron représente et qui ne sont pas allergiques aux idées du Front National, c’est à dire pas grand monde.

Au niveau des attaques, les stratèges du Front National ont commis une erreur grossière en mettant Marine Le Pen dans une posture très agressive. En effet les candidats qui se montrent trop agressifs durant un débat sont généralement mal perçus (par exemple l’agressivité de Gore contre Bush). Une raison psychologique est que l’agressivité bloque toute empathie. Il n’est pas possible d’être les deux en même temps, et l’empathie est bien plus importante pour établir un lien avec les téléspectateurs et les convaincre. C’est d’ailleurs un reproche que l’on peut faire aux deux candidats, aucun n’a fait preuve d’empathie sincère par rapport aux problèmes des téléspectateurs. Emmanuel Macron aurait d’ailleurs dû éviter les attaques personnelles envers Marine Le Pen (vous dites des bêtises) pour mieux établir le contact avec son audience.

Le ton de la voix des deux candidats était très différent. Emmanuel Macron ayant une voix posée et maîtrisée, mais sonnant parfois trop mécanique, trop récité et sans émotion. Il suffit de comparer la diction parfois brouillonne de Benoît Hamon lors de ses débats avec la clarté de celle d’Emmanuel Macron pour se rendre compte à quel point le candidat d’En Marche était mieux préparé. En choisissant le registre de l’agressivité et du cynisme, Marine Le Pen choisissait un ton très difficile à manier et ne touchant que difficilement son public cible.

Il faut également souligner la très grande qualité de la préparation d’Emmanuel Macron ; chaque message était parfaitement calibré et Emmanuel Macron était parfaitement entraîné à les dire au bon moment.

Au final, Emmanuel Macron ressort vainqueur, mais surtout Marine Le Pen ressort perdante.

Pour les organisateurs du débat

Il y a une raison pour laquelle on n’organise pas de matchs de boxe sans arbitre. Ni de match de quoi que ce soit d’ailleurs ; parce que l’arbitre est indispensable pour que la confrontation ne finisse pas en pugilat. Ces dernières années je constate un affaiblissement progressif du rôle des journalistes, et cette année est la goutte de trop. Plus aucun débat présidentiel ne doit avoir lieu sans arbitre pour faire respecter les règles.

Et au final, ma prédiction ?

Je peux vous donner deux impacts certains :

  • Les sympathisants du FN ont encore plus la haine aujourd’hui, car à travers la mauvaise performance de Marine Le Pen ils ont été humiliés. Est-ce que cela va changer leur vote ? Non bien sûr. Pas un seul ne changera d’avis.
  • Les sympathisants d’Emmanuel Macron sont remontés à bloc par la performance de leur candidat. Bien sûr ce n’était pas parfait mais c’était exactement ce qu’ils espéraient.

Et les autres ? Vous savez, les électeurs flottants, ceux auquel le débat s’adresse ? C’est plus compliqué. Et là ce sont plus des prédictions que des certitudes.

Emmanuel Macron a certainement rassuré une partie des électeurs de la gauche et de la droite classiques. Typiquement les personnes qui auraient voté Valls et Juppé s’ils avaient été candidats. D’un autre côté, la hargne et le manque de maîtrise du fond de Marine Le Pen devraient les pousser à se mobiliser un peu plus pour lui faire barrage. Et c’est surtout pour ça qu’Emmanuel Macron peut être considéré comme vainqueur du débat.

Car en face Marine Le Pen a probablement marqué moins de points auprès des électeurs flottants. Elle a surtout séduit les électeurs qui sont totalement allergiques aux discours trop compliqués et « prétentieux », et qui ont envie de rejeter le système traditionnel. On peut donc imaginer qu’une partie d’entre eux vote pour elle, mais ce sera probablement insuffisant pour lui assurer la victoire au second tour.

Les autres électeurs ne vont pas changer d’avis. Vont rester abstentionnistes une bonne partie des électeurs de Mélenchon, car ils ne se reconnaissent ni dans le libéralisme de Macron ni dans la haine de Le Pen.

Je donne Macron vainqueur dimanche.

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Utiliser une souris et une tablette graphique en même temps

Si vous utilisez un ordinateur régulièrement depuis plusieurs années, il y a de fortes chances pour que vous ayez développé des douleurs dans les mains. Celles-ci n’ont en effet pas été conçues pour taper sur un clavier et manipuler une souris ou un trackpad plusieurs heures par jour.

J’ai déjà expliqué être passé à un bureau debout et à la disposition clavier BÉPO pour réduire les douleurs articulaires, et ce sont des solutions efficaces quoique assez extrême. Mais ce n’était pas suffisant pour résoudre tous mes problèmes de douleur dans les articulations ; il fallait encore trouver une solution pour la souris. Ne faisant pas les choses à moitié, car une demi-souris c’est pas très pratique, j’ai donc opté pour une solution originale. J’utilise encore une souris, mais de la main gauche au lieu de la main droite. Au début c’est très compliqué, on rate les éléments d’interface, on clique sur le mauvais bouton, mais petit à petit on s’y fait. Mais surtout, en combinaison avec la souris, j’utilise une tablette graphique Wacom de taille moyenne (surface utile d’environ une feuille A5) de la main droite (je précise Wacom, parce que d’une part c’est pratiquement la seule marque qui fabrique ce genre de périphérique).

Combiner souris + tablette graphique présente le gros avantage de bénéficier des qualités uniques de chacun de ces appareils. La tablette Wacom est sans égale pour dessiner, pour retoucher une image ou pour réaliser de grands mouvements précis d’un bout à l’autre de l’écran. La souris, elle, présente l’avantage de pouvoir faire des ajustements pixel par pixel plus facilement que la tablette. En effet, avec la tablette graphique, lorsqu’on relève la pointe du stylet de la tablette il arrive que le curseur « dérape » d’un ou deux pixels, réduisant à néant les efforts d’alignement. De par sa conception la souris n’a pas ce problème. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il m’arrive souvent d’utiliser les deux en même temps. La tablette Wacom pour faire des déplacements rapides à un autre point de l’écran et les retouches, et la souris pour réaliser des alignements précis. C’est devenu complètement naturel. D’autres personnes utilisent tablette et souris, mais l’originalité de mon système vient de l’utilisation simultanée d’un périphérique main gauche et main droite.

Au niveau purement articulaire, mes doigts me disent merci. D’une part la position du stylet de la tablette graphique est bien plus ergonomique que la souris. Et d’autre part, comme je répartis les efforts mécaniques entre deux périphériques, chaque main est moins sollicitée.

Cette solution me convient, mais est liée à mon utilisation très particulière de l’ordinateur, principalement PowerPoint et un peu d’illustration. En matière d’ergonomie, s’il y a une chose dont je suis convaincu, c’est que pour faire disparaître les douleurs, chaque petit détail compte : la posture du corps, les périphériques employés, leur disposition, la hauteur du bureau, etc. Chaque personne est différente, et une solution unique ne peut convenir à tous.

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Je hais les diagrammes polaires

Regardez ces deux diagrammes.

Diagrammes polaires

Ils ont un aspect complètement différent. En réalité ce sont exactement les mêmes données.

Comment est-ce possible ? Parce que ce sont des diagrammes de type “polaires” qui relient entre eux des données sans aucun lien direct. Selon la disposition des données, l’aspect du diagramme va complètement changer.

Alors bien sûr on peut avoir le même problème si on change l’ordre des catégories dans un diagramme en barres, mais le mal est moindre ; cela ne change pas la forme de chaque catégorie.

Mon avis ? Éviter si possible les diagrammes polaires et préférer des diagrammes sous forme de barres horizontales. Ils sont peut-être moins originaux mais ils n’engendrent pas les mêmes erreurs d’interprétation.

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7 idées pour rendre l’iPad réellement utile

Suite au vol de mon MacBook Pro Retina dans le train en 2015, j’ai décidé de voyager avec des gadgets moins chers lorsque c’est possible. Disposant déjà d’un iPad Mini, je l’ai naturellement choisi comme alternative ultra-nomade. Mais je me suis vite rendu compte de la dure réalité : beaucoup de tâches me prennent deux, trois, dix fois plus de temps sur l’iPad, voire sont simplement impossibles. Pour certaines tâches, c’est normal. Je ne me suis jamais attendu à pouvoir créer une présentation PowerPoint efficacement sur iPad. Mais pour d’autres tâches le problème est lié aux contraintes imposées par Apple. Par exemple copier un fichier de l’iPad vers une clé USB est tout simplement impossible sans l’achat d’une clé spéciale.

Après deux ans d’utilisation de l’iPad en tant qu’outil de productivité, voici à mon avis sept choses qui doivent être améliorées sur l’iPad pour le rendre réellement productif au jour le jour.

  1. Mettre un port USB C. Lightning c’est peut-être cool, mais impossible de connecter une clé USB pour donner un fichier à un client. Même pas possible d’échanger simplement un fichier entre iPad et MacBook dernière génération !!! Bien sûr l’USB C n’est pas encore très répandu, mais il va devenir la norme dans les années qui viennent.
  2. Faire vraiment fonctionner les claviers externes. À l’heure actuelle impossible d’utiliser la disposition BÉPO avec un clavier externe, les dispositions clavier non standard n’étant pas prises en compte (par exemple sur Mac il est possible d’utiliser la disposition BÉPO avec un clavier AZERTY, QWERTY ou SZRBOTJ, peu importe, la disposition logique étant indépendante de la disposition physique des touches).
  3. Intégrer un Finder (ou équivalent). Ne pas pouvoir organiser ses fichiers en dossiers par projet est tout simplement idiot pour les professionnels. Pour l’instant j’utilise Dropbox et Onedrive pour pallier à ce manque, mais je préférerais une solution native.
  4. Arrêter le racket sur les adaptateurs. Plus de 60€ pour un adaptateur Lightning - VGA, ça suffit.
  5. Généraliser l’affichage côte à côte de deux applications. Pour l’instant cela ne fonctionne qu’avec certaines applications.
  6. Autoriser le glisser-déposer d’une application à une autre. Ce geste tout simple et naturel sur Mac ne fonctionne pas sur iPad.
  7. Et surtout : autoriser l’utilisation d’une souris ou d’un trackpad (!!!) - Ça a l’air d’être complètement idiot comme idée, mais réfléchissez bien, l’utilisation d’une souris comme alternative au doigt sur l’iPad permettrait de gagner grandement en précision et en productivité. Imaginez simplement sélectionner du texte avec une souris au lieu du doigt ! Même des programmes comme Excel ou PowerPoint deviendraient agréables à utiliser sur iPad. Même pas besoin d’adapter l’interface tactile, celle-ci étant parfaitement adaptée à la souris (l’inverse n’étant pas vrai, une interface conçue pour la souris est quasi inutilisable en tactile).

En faisant cette liste je me rends compte au final qu’il n’en faut pas beaucoup pour éliminer les principales contraintes de l’iPad, mais Apple étant Apple, je doute qu’ils fassent les changements réellement utiles. En attendant j’ai craqué et j’ai repris mon Mac pour les voyages.

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