Le premier article de cette série explique pourquoi nous avons peur lorsque nous parlons en public. Le deuxième article nous a appris à démasquer et accepter les artifices que notre Ego met en œuvre face à cette peur. Cette partie aura beaucoup plus de sens si vous lisez ces deux articles avant.
C’est donc notre Ego qui est à l’origine de notre peur de parler en public. Et ce sont les artifices qu’il met en œuvre pour se protéger qui nous empêchent d’être à l’aise sur scène et de bien présenter. Maintenant il est temps d’apprendre à changer notre relation avec notre Ego. Pour cela nous allons utiliser des techniques très proches de celles utilisées par les sportifs de haut niveau pour se préparer mentalement à faire face aux grands événements, mais adaptées pour la prise de parole en public.
Faire le choix de grandir
Le plus difficile maintenant, et ce qui va conditionner votre capacité ou non à vaincre votre peur de parler en public, est le choix suivant : voulez-vous continuer à préserver votre Ego, ou voulez-vous grandir ?
Préserver son Ego, c’est accepter de focaliser son énergie et son attention sur ses mécanismes de défense, les artifices. C’est préférer préserver l’image que nous nous faisons de nous-mêmes au détriment du public et de la présentation.
Grandir, c’est arrêter de se faire dicter sa conduite par son Ego. C’est accepter que nous présentons non pas pour paraître intelligent (égoïste, tourné vers soi-même), mais parce que nous avons un message à communiquer (généreux, tourné vers le public).
Pour confirmer que vous acceptez de présenter pour grandir, écrivez sur une feuille de papier ce qui est le plus important pour vous :
Ce qui est important pour moi lors de ma présentation c’est de : ……………………………………………………
Des phrases qui montrent que vous vous focalisez sur le message sont par exemple :
- clairement expliquer les bénéfices de mon service,
- montrer le côté unique de mon produit,
- démontrer la relation entre tabagisme et cancer.
Des phrases qui montrent que vous vous focalisez sur votre Ego sont par exemple :
- impressionner mon public,
- être le meilleur présentateur de la soirée,
- m’exprimer clairement,
- ne pas avoir l’air ridicule.
Faites également attention de formuler un objectif, concret, qui soit sous votre contrôle, un objectif qui découle directement de vos actions. Par exemple, même si c’est difficile à admettre, vous n’avez pas de contrôle direct sur un objectif tel que « faire la meilleure soutenance orale », puisque par définition vous n’avez pas de contrôle sur les présentations des compétiteurs. De plus « meilleur » est trop vague comme critère. Par contre vous avez un contrôle sur un objectif tel que « présenter à mon client les avantages uniques de ma solution ».
Même dans les situations où vous bénéficiez directement d’une présentation réussie (entretien d’embauche, réunion importante pour votre carrière, présentation de vente, …), ce n’est pas sur vous que vous devez mettre l’accent (ce qui va suractiver les mécanismes de défense de votre Ego), mais sur le message à communiquer. Tout comme on ne gagne pas match de tennis en se voyant sur le podium (nous gaspillons notre énergie en nous focalisant sur une image idéale créée par notre Ego) mais bien en se focalisant sur la balle. Tout comme pour ce match de tennis, c’est en nous focalisant sur le message au lieu de nous focaliser sur nous-mêmes que nous pouvons gagner.
Focaliser son attention sur l’instant présent
Votre capacité à focaliser votre attention sur l’instant présent et à l’utiliser efficacement est la clé pour vaincre votre peur de parler en public.
Naturellement notre attention va avoir tendance à se détourner vers l’objectif que nous poursuivons : nous faire embaucher, gagner la vente, etc. Ce faisant, notre attention se détourne vers quelque chose que nous souhaitons, mais que nous ne contrôlons pas directement. Qui dit pas de contrôle dit danger, qui dit danger dit peur, qui dit peur dit mise en œuvre des artifices de l’Ego pour nous protéger.
Au lieu de cela, focalisez votre attention sur ce que vous pouvez faire à l’instant présent, sur les possibilités d’action. Cela peut être simplement expliquer le point suivant de votre présentation (vous avancez). Cela peut être vous arrêter quelques secondes pour vous assurer que tout le monde a bien compris, et que votre présentation va dans la bonne direction (vous vérifiez). Cela peut être vous rendre compte qu’il manque un message essentiel que vous allez devoir ajouter (vous improvisez). L’important est de vous focaliser sur les actions concrètes que vous pouvez faire maintenant. Qui dit action dit contrôle. Qui dit contrôle dit réduction du stress. Qui dit réduction du stress dit réduction des interférences de notre Ego.
Parfois vous allez sentir votre Ego détourner votre attention pour mettre en œuvre ses artifices. Heureusement, vous savez maintenant les reconnaître (voir partie 2 de cet article). Lorsque cela arrive, faites l’effort de retarder la réaction dictée par votre Ego. Surtout ne vous découragez pas si vous n’y arrivez pas tout de suite. Ne perdez pas d’énergie à vous auto-critiquer (je suis nul je n’y arrive pas). C’est simplement un résultat possible parmi d’autres. Focalisez votre attention sur les moyens de retarder les réactions de votre Ego.. Peut-être allez-vous vous rendre compte que vous aviez la phrase parfaite à ce moment. Ou qu’une métaphore aurait pu rendre votre explication limpide. Ou qu’une personne dans le public souhaitait poser une question à ce moment. Focaliser votre attention sur les possibilités vous donne bien plus de chances de réussir votre présentation. Focaliser votre attention sur vous-même va amplifier les crises de paniques générées par votre Ego.
Développer une posture d’observateur extérieur
Une excellente façon de tester si vous avez réellement accepté d’écouter votre Ego est le test de la caméra : acceptez d’être filmé pendant votre présentation. Ensuite regardez la vidéo en vous mettant dans la posture d’un observateur extérieur (imaginez-vous être votre propre coach bienveillant). Au lieu de simplement vous auto-critiquer (attitude négative, auto-centrée, amenant à un blocage mental), focalisez votre attention sur les possibilités concrètes que vous pouvez mettre en œuvre pour vous améliorer. Par exemple « oh mon dieu quel nul je me balance sans arrêt » est une critique qui ne vous fera pas progresser d’un iota. Dites-vous plutôt « ok, si je me balance, quelle action puis-je essayer pour m’améliorer ? Je vais essayer de fixer mon regard sur un point précis, ou je vais prendre quelques minutes pour simplement me poser sans bouger, ou je vais prendre 1 minute de ma présentation que je maîtrise parfaitement et focaliser mon attention sur ne pas bouger. »
N’hésitez pas à demander à une autre personne bienveillante de vous donner son avis, c’est un excellent moyen pour débusquer les artifices de notre Ego que nous ne voyons pas (ou n’avons pas trop envie de voir) !
Sortir de votre zone de confort… mais pas trop
Si vous restez dans votre zone de confort rien ne se passera, vous n’arriverez pas à changer et à vaincre votre peur. Mais si vous sortez trop hors de votre zone de confort le niveau de difficulté et de stress seront tellement élevés qu’ils bloqueront tout apprentissage efficace. Il faut donc y aller progressivement, en sortant de votre zone de confort à un niveau que vous pouvez supporter. Pour rendre l’apprentissage plus efficace, n’hésitez pas à découper les points à travailler et à en travailler un seul à la fois (par exemple, uniquement travailler le regard ou uniquement la vitesse d’élocution).
Petit à petit, votre zone de confort va s’agrandir (résultat souhaité), mais parfois également diminuer (résultat possible). Cela n’a pas d’importance, le principal est de continuer à travailler pour grandir.
N’oublions pas que simplement perdre sa peur de parler en public ne nous transforme pas en bon présentateur. J’avais un patron qui n’était jamais stressé lorsqu’il parlait en public et racontait à chaque fois n’importe quoi avec un grand sourire. Un bon présentateur travaille sur sa posture (attitude, maîtrise de la peur, etc.), le fond (messages, contenu) et la forme (storytelling, visuels, art oratoire). En retour, cela agrandira d’autant plus votre zone de confiance.
Enclencher le cercle vertueux
Plus votre zone de confort va s’agrandir, plus il vous sera facile de focaliser votre attention sur l’instant présent. Plus vous serez capable de focaliser votre attention là où vous le voulez, moins vous serez esclave de votre Ego. Moins vous serez esclave de votre Ego, plus votre zone de confort va s’agrandir. Vous voyez où je veux en venir ? C’est un cercle vertueux qui va se mettre en place.
Continuez à pratiquer et à vous entraîner pour agrandir le cercle vertueux. Si vous ne le faites pas, votre zone de confort va se rétrécir petit à petit. Mais… votre Ego ne va pas s’en apercevoir ! C’est ce qui se passe lorsque nous faisons une formation, en ressortons très content, et avons tout oublié un mois plus tard ; notre Ego continue de croire qu’il a appris, alors qu’en réalité il a rapidement tout oublié faute de pratique. Comme pour un sport, continuez de pratiquer régulièrement, c’est essentiel pour être au meilleur de votre forme !
Conclusion
Beaucoup de techniques de coaching pour maîtriser sa peur de présenter en public s’attaquent uniquement aux symptômes : bras croisés, position peu stable, … mais ne s’attaquent pas à la racine du problème. C’est ce que j’ai voulu faire ici, pour les personnes qui ne peuvent pas travailler avec un coach professionnel. Si vous pensiez trouver un article où je vous conseille de boire une bière et hop, la peur de présenter disparaît, vous devez être déçu. J’aurais pu faire comme beaucoup d’auteurs à succès, inventer « le truc secret pour perdre sa peur et devenir riche », mais si vous avez lu cet article jusqu’ici c’est que vous savez déjà que ce genre de méthode n’existe pas. Perdre sa peur de présenter en public demande du travail, et encore, je n’ai abordé ici que quelques facettes du travail nécessaire.
Est-ce que tout le monde peut maîtriser sa peur ? Honnêtement non, il y a une petite minorité de cas où cela dépend d’éléments sur lesquels un coach en présentation ne pourra pas, ne voudra pas ou ne devra pas intervenir ; un bon coach saura reconnaître ses limites et ne pas vouloir intervenir sur des éléments qui sortent de son domaine de compétence. Heureusement c’est très rare.
Devenir un bon orateur se résume pas à perdre sa peur de présenter en public. La maîtrise de l’art oratoire, du storytelling et des visuels sont également indispensables, mais c’est un très grand pas dans la bonne direction ! Comment savoir que vous avez réussi ? Vous ressentirez ce qu’on appelle le « flow », cet état où nous sommes au mieux de nos capacités, où tout semble être facile et venir naturellement.
C’est un travail qui peut demander de la patience. Ne vous découragez pas. Vous verrez, si vous appliquez cette méthode, petit à petit vous maîtriserez de plus en plus facilement votre peur de parler en public et vos présentations s’amélioreront grandement !