« Ne croyez pas tout ce que l’on raconte dans les journaux, réfléchissez et vous verrez les énormités que les journalistes racontent ». Cette phrase, on ne l’entendait pas avant. Mais Internet a tout cassé et a fait chuter la qualité moyenne du journalisme de manière dramatique. Avant, les journalistes étaient des personnes qui vérifiaient leurs sources et avaient les moyens d’écrire des articles de qualité.
Sauf que. En réalité, cette phrase, je ne l’ai pas entendue en 2019. C’est mon professeur de macro-économie qui nous donnait cette mise en garde en 1991. Bien avant que ce soit « la faute à Internet », donc.
La réalité, c’est que la qualité moyenne du journalisme n’a pas vraiment baissé. Au contraire, avec Internet, les personnes intelligentes peuvent vérifier l’information avec plusieurs sources. C’est plutôt nous qui avons tendance à idéaliser le passé. Il est vrai qu’Internet est un excellent vecteur de communication pour véhiculer de la désinformation ou des théories du complot. Mais celles-ci existaient bien avant Internet. Que ce soit les tarés de nazis et leurs théories pourries ou les articles inventés de toute pièce par la presse trash, la propagande et la désinformation ont toujours existé et ont été depuis toujours utilisées pour manipuler l’opinion.
Aujourd’hui, nous accusons Internet d’être la cause du basculement de nos démocraties vers des populistes comme Trump. Nous accusons Facebook d’être à l’origine du vote en faveur du Brexit. Oui, c’est vrai que les plateformes comme Twitter et Facebook ne sont pas des exemples de vertu. Les personnalités y sont traitées comme des personnes plus égales que les autres. Mais ces plateformes ne sont qu’un canal de communication. Les véritables responsables, ce sont les personnes qui manipulent l’information pour servir leur agenda personnel. Ce sont les dirigeants européens tellement obnubilés par la sauvegarde du système économique de la zone euro qu’ils semblent en avoir complètement oublié l’existence des citoyens. Ce sont les hommes politiques qui, à force de privilégier les intérêts individuels au lieu des intérêts collectifs, détruisent la confiance, renforcent les inégalités et brisent le lien social.
Évidemment, c’est beaucoup plus facile de dire que c’est la faute des réseaux sociaux. Mais ils ne sont qu’un moyen, pas la source du problème.
Pour nos démocraties, mener une guerre contre la désinformation en nous arc-boutant sur des positions de principe statiques, c’est comme compter sur la ligne Maginot pour stopper les nazis. Signer des accords avec les plateformes pour que la désinformation s’arrête, c’est conclure un pacte de non-agression à la Neville Chamberlain. Aujourd’hui, la guerre contre la désinformation a besoin de moyens modernes, aussi bien humains que technologiques que réglementaires. C’est aux démocrates de s’armer et de mener cette guerre avec conviction. Et c’est aussi à nous de prendre nos responsabilités pour protéger nos démocraties.