Ce que nous voyons actuellement aux États-Unis est fascinant. Donald Trump continue de s’accrocher au pouvoir comme un morpion à un poil de cul, alors que la tondeuse est en route pour couper le poil.
Mais ce qui est intéressant, c’est de voir en accéléré le processus qui mène toute dictature à finir avec les personnes les plus cruelles, les plus fanatiques et les plus incompétentes. Un gouvernement autoritaire ne base sa légitimité que sur un seul élément : le culte du leader. La loyauté au leader est le seul élément important. Staline, Hitler, Donald Trump, ces personnes voient le monde comme étant un moyen de célébrer leur grandeur.
Tant que le leader autoritaire se sent suivi, tout se passe « bien ». Mais petit à petit, des éléments déplaisants apparaissent, des éléments qui ne collent pas à sa merveilleuse réalité. Pour un leader autoritaire, c’est inacceptable, inimaginable, impossible : il est parfait et ne peut échouer. Et c’est à ce moment que les vrais problèmes commencent. Un leader compétent essaiera de trouver une solution le plus rapidement possible. Un leader incompétent essaiera de minimiser le problème, de le nier, mais il finira par s’en occuper, souvent trop tard. Un leader autoritaire ne supportera pas l’existence même du problème et fera tout pour en nier l’existence. C’est exactement ce qui s’est passé avec les leaders autoritaires dans le monde face à la crise du COVID.
Les leaders normaux, plus ou moins compétents, finissent par juger le problème au travers du filtre « comment puis-je trouver une solution ? » Pour le leader autoritaire, c’est l’existence du problème qui est le problème. Pour Donald Trump, ce n’est pas les citoyens qui tombent malades du COVID qui est un problème, c’est l’existence du problème COVID qui est le problème. Pourquoi ? Parce que cela menace sa vision de leader parfait. Alors, Donald Dumb s’invente une réalité parallèle, plus confortable, dans laquelle tour à tour le virus n’existe pas, le virus n’est pas dangereux, le virus va disparaître de lui-même, une réalité parallèle dans laquelle Super Donald est le sauveur du monde qui sera venu à bout du virus tout seul. Peu importe si les éléments rationnels ne correspondent pas à cette réalité parallèle. Peu importe si ses différentes réalités parallèles se contredisent elles-mêmes : le seul objectif de cet univers fictif est de protéger son image de leader parfait.
Petit à petit, le leader autoritaire se crée une réalité alternative de plus en plus complexe pour se protéger. Et petit à petit, toute personne qui contredit la cohérence de l’univers parallèle est automatiquement vue comme un ennemi.
C’est à ce moment que les choses basculent vraiment. À ce moment, la loyauté absolue devient le seul critère de recrutement des personnes. Le leader autoritaire sélectionne uniquement les personnes qui renforcent sa réalité parallèle. Évidemment, pour résoudre un problème, il faut garder un esprit rationnel, ne pas être aveuglé par une réalité imaginaire : cela écarte d’office les personnes les plus compétentes. Une personne comme le docteur Fauci, qui a des réussites concrètes, ne peut exister dans la réalité parallèle de Trump.
De par sa nature même, le leader autoritaire finit par sélectionner des personnes incompétentes, mais très loyales. Petit à petit, tous les rouages du système se gangrènent : la loyauté absolue au leader autoritaire remplace la compétence. Tôt ou tard, le leader autoritaire a, par ses actions directes, rendu son organisation incompétente.
À ce niveau, tout se dégrade progressivement. La protection de la réalité parallèle devient absolument vitale. Il suffit d’un mot ou d’un regard déplacé pour finir au goulag. C’est exactement ce que ferait Donald Trump s’il en avait la possibilité : goulag en Alaska et exécutions sommaires, comme les pires tyrans. La seule chose qui préserve les États-Unis aujourd’hui d’une telle situation, c’est la solidité de ses institutions.
L’étape suivante est connue : lorsque la réalité parallèle que le leader autoritaire s’est inventée devient trop compliquée à supporter, il devient paranoïaque et s’isole autour d’un petit groupe de fidèles. Donald Trump n’en est pas loin , il ne doit pas pouvoir récupérer et faire encore plus de tort dans le futur. Il faut garder la pression sur lui jusqu’à ce que sa réalité parallèle craque. Alors, seulement, le monde sera sauvé.